Dialogue entre la religion muslmane et la religion juive au « Maghreb-Orient des livres 2018 » à la Mairie de Paris

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Dialogue entre la religion muslmane et la religion juive

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Historiquement, les Droits de l’Homme et la Liberté d’Expression se sont développés en opposition à la religion. Dans un pays laic comme la France, le respect et le dialogue des religions tiennent une place centrale. Peut-on tout dire, tout faire ?

Suite à l’attentat contre Charlie Hebdo, la critique ou le blasphème religieux se retrouve au cœur des enjeux. Ou quand la liberté des uns empiètent sur la liberté des autres. Du 2 au 4 Février 2018, s’est tenu « Le Maghreb Orient des livres » à l’hôtel de ville de Paris. Plus de 150 auteurs viennent présenter leurs ouvrages et débattre des problématiques contemporaines. Autour de la question : «Musulmans, Juifs : manière d’être en contexte laïc», 6 écrivains ont débattu pour un café littéraire dans l’hôtel de ville de Paris.

Voici les 4 principaux participants : Benjamin StoraMohammed ChiraniMichel WieviorkaRachid Benzine.

Benjamin Stora aurait voulu expliquer les conditions d’éloignement historique entre Juifs et Musulmans. Pour lui, l’irruption coloniale a été la possibilité pour les juifs de sortir de la dhimmitude (en islam, le régime juridique auquel est soumis un non-musulman).

D’un autre côté, le nationalisme Arabe a été renforcé par l’esprit anticoloniale et la décolonisation a ensuite creusé les différences entre les deux peuples. Il encourage la recherche de points communs en réactivant une ancienne mémoire collective judéo-musulmane vieille de 1500 ans.

Message repris par Mohammed Chirani, qui nous rappelle l’élément suivant : les juifs et les musulmans de France sont les deux plus grandes communautés d’Europe (600.000 juifs et 6 millions de musulmans). Pour Monsieur Chirani, la résolution des tensions identitaires passera par le témoignage, en vue de mieux comprendre l’autre, ce qui constitue un devoir vis-à-vis de ces religions monothéistes.

Cependant, Michel Wieviorka souligne une différence sémantique : le nom « juif » renvoie à un peuple (s’il s’écrit avec une majuscule) ou une religion (en minuscule) alors que le nom musulman renvoie uniquement à l’appartenance religieuse. Il bascule ensuite sur la place centrale de la religion dans le djihadisme car « elle est le facteur qui donne à l’acteur sa volonté de rejoindre l’au-delà ».

Puis, Monsieur Wievorka revient sur l’évolution sociétale autour de la question religieuse. Selon lui, la question de la laïcité était bien plus respectée dans les années 60. Or, la montée de l’antisémitisme coïncide avec le début des années 80 et un double phénomène : le négationnisme et le « Shoah business ». « Il faut se demander à quelles conditions un dialogue permettrait de réfléchir sur le modèle républicain pour qu’il fonctionne mieux. »

Pour résumé la situation, Rachid Benzine dénonce à la fois un déficit d’histoire et un excès de mémoire : « nous sommes devenus des analphabètes religieux. » Alors que les croyances ont un impact sociologique et politique. Il déplore que les gens soient réduits à des assignations communautaires. Puis Monsieur Benzine revient sur ce qui constitue, pour lui, le fondamentalisme religieux : une recherche de l’authenticité et de la pureté.

A la fin du débat, nous avons pu interroger deux des écrivains : Mohammed Chirani, ancien délégué du préfet pour les quartiers sensibles de la Seine Saint Denis et Rachid Benzine, islamologue, politologue et ancien champion de France de Kick Boxing.

Mohammed Chirani, quel est le rôle des intellectuels dans la défense de la liberté d’expression ?

Ils doivent tous défendre la liberté d’expression car c’est le cœur même de leur travail. Comment pouvez-vous être un intellectuel si vous n’êtes pas libres de vous exprimer. Après il y a les intellectuels médiatiques et les autres. Le problème c’est l’approche médiatique qui donne la parole aux intellectuels, il y a un problème de format. On est dans l’époque de l’immédiateté et le temps nécessaire à l’expression d’un ’intellectuel n’est pas le même que celui des médias.

Pensez-vous que la littérature est autant soumise à la censure que la presse, quand censure il y a ?

Dans les pays où il y a des formes de censure, l’urgence s’est de contrôler la presse. Pour la littérature c’est plus difficile, le livre n’est pas forcément vu par les autorités.

Les réactions de vos lecteur diffèrent elles selon qu’ils soient Français ou algériens ?

Mes essais sont plutôt lus en France mais j’essaye de m’adresser à différentes catégories de la population qui ne lisent pas la même chose. Les retours ne sont pas le même en fonction d’où se positionne le lecteur.

Rachid Benzine, y a-t-il une différence entre un éditeur marocain et un éditeur français ?

Oui, il existe des différences car, tout d’abord, la question du marché n’est pas du tout la même et la question des enjeux non plus. Qui plus est, la place du livre au Maroc et en France n’a rien à voir.

Tous les pays doivent ils tendre vers la laïcité ?

Il faut tenir compte des spécificités des sociétés. Il faut être attentif sur la liberté d’expression, de conscience, de culte qui sont universalisables. A chaque société de trouver les modalités qui lui conviennent. Le plus important et ce qui garantit le « vivre ensemble », c’est que le politique n’utilise pas le religieux et inversement.

Finalement, les différents points de vue ont permis d’éclairer les problématiques actuelles sur l’approche du fait religieux dans nos sociétés contemporaines. L’ensemble des intervenants encouragent les musulmans et les juifs à se retrouver autour de leur « mémoire commune ».

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Romain Vignaux-Demarquay

Stagiaire à la Maison des Journalistes début 2018, Romain est passionné par le journalisme politique et culturel.

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