«Quand je quitte la Maison des journalistes, je me demande ce qu’il va m’arriver, ce que je vais faire. C’est le genre d’angoisse que je n’avais pas au Zimbabwe.»
Comme le dit un journaliste résident de la Maison Des Journalistes : «She is really something». Cette femme de caractère participe avec plaisir aux visites de la MDJ organisées pour faire découvrir le monde des médias aux écoliers. Thelma y raconte son parcours sous le regard fasciné des élèves.
Elle a récemment accordé une interview à un magazine suédois, pays dont elle vante les qualités d’accueil. Elle suit avec attention l’actualité zimbabwéenne et plus généralement celle du continent Africain sur laquelle elle continue de s’exprimer à travers l’œil de la Maison des journalistes.
«Je suis née pour être journaliste et j’exercerai ma passion jusqu’à mon dernier souffle».
Journaliste Zimbabwéenne, elle a commencé sa carrière au début des années 2000. Thelma a rédigé de nombreux articles critiques envers l’ancien président Robert Mugabé. Ses prises de positions lui ont attiré les foudres des autorités. «Dans mon pays, il y a de nombreuses lois qui interdisent la pratique de ce métier. J’ai dû lutter pour continuer à écrire sans être influée et dire la vérité.»
Thelma se souvient que l’un de ses collègues a disparu du jour au lendemain. Personne ne sait ce qui lui est arrivé.
Alors qu’elle se rend à l’aéroport pour partir assister à une conférence en Suède, elle est arrêtée par la Police : « Ils m’ont pris mon téléphone et mon ordinateur portable. De Suède, j’ai appris qu’ils avaient menacé ma famille. Donc j’ai rejoint la France et ne suis plus jamais retournée au Zimbabwe. Plus tard, j’ai su qu’ils étaient rentrés chez moi et qu’ils avaient tout fouillé. Ils recherchaient probablement des informations dont je me servais pour mes articles. »
La journaliste est arrivée à la Maison Des Journalistes en décembre 2017. Avec ce nouveau départ, «le plus difficile, c’est de perdre le sens de son identité. Cela fait partie du processus de l’exil. On perd confiance en soi, on peut même perdre la tête.»
Thelma continue de s’exprimer à travers l’œil de la Maison des journalistes et suit de près l’actualité du Zimbabwe. Cependant, sa notoriété acquis au péril de sa vie semble piéger dans le passé. C’est donc une partie de son existence qui est effacée, mise en suspension, pour plusieurs années ou à jamais. Thelma conclut sans ambiguïté et avec un courage exemplaire :
« Je suis née pour être journaliste et j’exercerai ma passion jusqu’à mon dernier souffle. »
« J’ai beaucoup de rêves mais si je ne dois en choisir qu’un, ce serait juste de voir ma famille. J’aimerais voir mon fils. La dernière fois, il n’avait pas commencé ses leçons de conduite et maintenant j’entends des histoires sur comment mon fils conduit ! Mon fils devient un homme et je ne peux m’empêcher de dire « Waouh ». Mais en mon fort intérieur, c’est dur de manquer toutes ces choses. J’aimerais beaucoup être là, en plus il étudie le journalisme. Il a suivi ma voie professionnelle. J’aimerais être là, lui tenir la main, rendre son parcours plus simple que le mien ne l’a été…
Bien sûr, les personnes me manquent mais pas seulement, mon lit me manque énormément aussi ! Parfois je rêve d’être dans Mon lit, si confortable. L’air du Zimbabwe me manque, la chaleur des températures, ma voiture…
Mais au fond, ce qui me préoccupe le plus, c’est de récupérer le contrôle de ma vie. La stabilité de savoir où je vais, d’avoir un sens à sa vie et des objectifs. Ici, j’ai trop d’anxiété. Quand je quitte la Maison des journalistes, je me demande ce qu’il va m’arriver, ce que je vais faire. C’est le genre d’angoisse que je n’avais pas au Zimbabwe et qui me replie sur moi-même au lieu de m’ouvrir à ce nouveau pays, à cette nouvelle vie qui m’attend. »
Rédigé par Romain Vignaux-Demarquay et Valentine Zeler